Le canton de Vaud s’est montré visionnaire à plusieurs reprises dans le domaine des soins infirmiers: en définissant le Bachelor comme unique condition d’entrée dans la profession, en multipliant ses capacités de formation, en créant une filière académique complète en sciences infirmières à l’Université de Lausanne et en légiférant sur la fonction d’infirmière praticienne spécialisée (IPS). Déjà bien avant la votation fédérale sur le renforcement des soins infirmiers, le Département vaudois de la santé (DSAS) a exprimé sa volonté de donner aux infirmières et aux infirmiers plus d’autonomie et de responsabilités.
Il existe des fonctions proches dans d’autres cantons, mais le canton de Vaud est le premier à lui accorder cette position stratégique et cette visibilité. Le cahier des charges existe, bien sûr, mais c’est un poste qui doit encore se co-construire avec les partenaires du DSAS et du système de santé. A terme, l’objectif serait d’avoir une infirmière cantonale dans chaque canton. Au niveau national, l’Association suisse des infirmières et infirmiers, les Swiss Nurse Leaders et l’Association suisse pour les sciences infirmières militent pour la création d’un poste de «Chief Nurse Officer», recommandé par l’OMS et le Conseil international des infirmières, qui aurait une fonction comparable.
L’infirmière cantonale doit être une personne de référence pour les instances cantonales et politiques concernant les soins infirmiers et les autres professions de la santé. Mon rôle sera aussi d’en développer une vision stratégique. Les infirmières et les infirmiers travaillent en partenariat avec les autres professions de santé ainsi qu’avec les médecins. Elles ont des fonctions très complémentaires, en particulier dans la coordination et la gestion de projets. Cela implique d’initier et de participer à des groupes de travail axés sur l’interprofessionalité, la coordination, la qualité, la recherche, la formation, la pratique avancée et la fidélisation du personnel. Cela demandera d’entretenir et de coordonner un réseau pluridisciplinaire.
Le premier enjeu est l’accès de chacun·e à des soins dispensés par des professionnel·le·s compétent·e·s, sans délais d’attente excessifs, indépendamment de ses capacités financières et dans le respect de sa dignité. Cela implique la pertinence des soins: le bon soin au bon patient par la bonne personne au bon moment. Cela implique qu’il y ait suffisamment de professonnel·le·s bien formé·e·s e travaillant de manière coordonnée. Cela signifie aussi de lutter contre le phénomène de pénurie, notamment en améliorant les conditions de travail. Le second enjeu est de bénéficier des ressources financières nécessaires, d’une part grâce à plus d’efficience, de prévention, de coordination, moins de doublons et de prestations superflues, d’autre part grâce à des tarifs qui permettent un financement correct des prestations infirmières.
L’acceptation de l’initiative est un mandat donné aux autorités de se soucier véritablement d’une profession qui prend soin de notre santé à toutes et à tous en Suisse. Il faut faire confiance au processus politique, suivre très attentivement les différentes étapes, proposer des solutions et travailler avec tous les partenaires. Ma fonction implique de mettre l’accent sur les différents points de l’initiative: valoriser la profession et créer des conditions de travail optimales, notamment par une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Aménager ou réduire le temps de travail, mieux compenser la pénibilité de la fonction. Favoriser la formation continue, le développement de carrière mais également l’interprofessionnalité peut contribuer à retenir les professionnel·le·s. Et il s’agira aussi de promouvoir auprès des jeunes ces professions de santé qui sont passionnantes et apportent une réelle plus-value aux patient·e·s et au système de santé.
Nous avons besoin de professionnel·le·s compétent·e·s qui puissent suivre les personnes dans tout leur parcours de vie, que ce soit à l’hôpital ou hors de l’hôpital. Le système de santé est en train de changer, il passe du modèle de soins hospitalo-centré à des approches de soins primaires intégrés, centrés sur la personne. Les infirmiers et les infirmières sont proches de la communauté, travaillent dans un large éventail de milieux non hospitaliers et peuvent rejoindre les personnes dans leur lieu de vie. Ils et elles savent évaluer les patient·e·s, prendre les bonnes décisions pour leur santé, promouvoir la prévention, avec une vision holistique et tout au long de leur parcours de vie.
Il est nécessaire de promouvoir les infirmières et les infirmiers de pratique avancée avec des compétences de niveau Master, qui peuvent s’occuper des patient·e·s avec des situations complexes dans toutes les étapes de leur vie. Le canton de Vaud a introduit en 2017 les IPS, qui ont le droit de prescrire et d’interpréter des tests diagnostiques, d’effectuer des actes médicaux et de prescrire des médicaments, d’en assurer le suivi et les ajustements. Les IPS permettent une approche globale et synergique des soins infirmiers et des soins médicaux, qui réponde aux besoins complexes des patients et de leur famille. Elles permettent également une amélioration de l‘accès aux soins et de leur qualité, une diminution des complications et des hospitalisations. Toutefois, les différents profils d’infirmières et d’infirmiers avec diverses formations continues et post-grades sont nécessaires. Toutes et tous ont leur rôle à jouer, en interprofessionnalité avec les médecins et les autres professionnel·le·s, qui offrent ensemble l’éventail des compétences nécessaires pour répondre aux besoins des patients et de leur entourage.